L’une des principales missions d’un zoo aujourd’hui est la conservation d’espèces menacées. Pour assurer un suivi régulier des populations dans tous les parcs zoologiques d’Europe, le travail d’un coordinateur par espèce est nécessaire. Zoom sur ce métier du zoo peu connu et pourtant essentiel.

Au sein de l’Europe, près de 250 espèces font l’objet d’un programme européen d’élevage (EEP), encadré par l’association européenne des zoos et aquariums (EAZA). A chaque EEP correspond une espèce, généralement choisie pour son statut menacé à l’état sauvage et donc pour la nécessité de préserver une population captive suffisamment riche génétiquement en vue d’éventuelles réintroductions dans la nature ou d’autres mesures de conservation ex situ. Afin que tout se déroule pour le mieux entre les zoos qui participent à un même EEP, un coordinateur est désigné pour chaque programme. Une lourde responsabilité.

Un métier au cœur de la conservation

Les zoos et aquariums membres de l’EAZA suivent de près leurs pensionnaires. Jusqu’à présent, il existait trois niveaux de suivi :

  • Le monitoring, qui revient à simplement à suivre les naissances et décès des animaux des parcs zoologiques sans émettre de recommandation particulière ;
  • Le studbook (ESB), qui est une sorte d’arbre généalogique retraçant l’histoire d’une espèce dans les zoos européens ;
  • Le programme européen d’élevage (EEP), beaucoup plus détaillé que le studbook, qui obéit aux recommandations d’un coordinateur européen.

Les espèces les plus menacées dans la nature et les plus rares font généralement l’objet du suivi le plus strict, à savoir l’EEP. C’est par exemple le cas de 5 espèces de gibbons ou encore de la girafe. Comme évoqué plus haut, chacun de ces programmes EEP est incarné par une seule personne : le coordinateur.

Depuis 2016 environ, l’EAZA veut se diriger vers un nouveau type de programme dans lequel cette distinction forte entre chaque niveau de suivi s’estompera. Cela garde le nom d’EEP – « EEP nouvelle génération » – et reste piloté par un coordinateur, donc le rôle reste le même.

Le quotidien du coordinateur EEP

Hyène rayée, programme EEP
La hyène rayée fait l'objet d'un "EEP nouvelle génération".

Etre coordinateur pour une espèce, c’est avant tout une série de missions à remplir. Ce n’est donc pas un métier à part entière comme peut l’être par exemple la profession de vétérinaire en parc animalier, celle de soigneur, de directeur de parc, etc. Cette activité est exercée de façon bénévole et bien souvent sur le temps personnel de la personne.

Le rôle du coordinateur est d’émettre des recommandations pour l’espèce qu’il suit dans les différents zoos européens participants. C’est lui qui décide si tel ou tel zoo peut recevoir l’espèce en question, et s’il peut la reproduire. « En général lorsqu’un zoo présente une nouvelle espèce pour la première fois, le coordinateur ne lui confie pas tout de suite un couple reproducteur. Cela vient ensuite », précise Xavier Vaillant, directeur du Zoo de Lyon et coordinateur EEP du vari roux, espèce classée « en danger critique » d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

« Le coordinateur fait des recommandations de reproduction ou non reproduction, et de transfert d’animaux d’un établissement à un autre, en fonction des informations de consanguinité que nous avons. Pour cela, il regarde les naissances, les enregistre dans le studbook en créant une petite fiche pour tous les individus qui naissent, et reprenant toutes les informations nécessaires au suivi de sa généalogie, détaille Xavier Vaillant. Cela nous permet, via un autre logiciel, d’avoir une connaissance encore plus fine de la qualité génétique des individus, et de classer les animaux par taux de consanguinité. Nous avons alors une valeur moyenne du taux de consanguinité par population et nous savons pour chaque individu si son taux de consanguinité est supérieur ou non à celui moyen. Le but, c’est vraiment de créer des populations saines et suffisamment diversifiées génétiquement pour assurer l’avenir de l’espèce. »

Afin de connaître la situation exacte de l’espèce suivie, le coordinateur doit également avoir une veille scientifique et surveiller toutes les études scientifiques qui concernent l’espèce, son comportement en captivité, les découvertes médicales, sa conservation in situ, etc. « Le coordinateur est la tour de contrôle de cette espèce : il doit redistribuer cette information à tous les membres de l’EEP », ajoute Xavier Vaillant.

Il n’y a pas que sur les animaux mais aussi sur les conditions dans lesquelles ils sont accueillis par les zoos que le coordinateur peut émettre des recommandations. « Il doit en effet donner son avis sur les installations en consultant les plans et des photos, ainsi que sur les procédures de travail et le protocole mis en place pour s’occuper de l’espèce. »

Le profil pour devenir coordinateur EEP

Vari roux, programme EEP
Un vari roux, espèce faisant l'objet d'un programme EEP piloté par Xavier Vaillant.

Un coordinateur EEP peut tout aussi bien être un vétérinaire, un chef animalier ou un curateur par exemple. Pour devenir coordinateur d’une espèce, il doit répondre à plusieurs critères. « D’abord, il faut avoir une connaissance parfaite et la plus actuelle possible des populations de l’espèce concernée. Et puis, il faut être capable de faire des simulations de croisement des individus et ainsi de savoir si les invendus à naître potentiellement auraient un taux de consanguinité. Et donc de créer les couples qui vont bien ensemble pour limiter la consanguinité. Tout en gardant à l’esprit de garder une population limitée, par exemple entre 400 et 450 pour les varis roux, recommande le coordinateur de l’espèce. Il faut en effet prêter attention au nombre de naissances dans certains groupes plus prolifiques que d’autres notamment. Le coordinateur peut demander à mettre sous implant une femelle qui s’est déjà beaucoup reproduit. Ou bien créer des groupes monosexes ou des groupes de célibataires. Tous servent de réservoirs : peut-être qu’un jour on aura besoin de ces animaux-là. »

Le coordinateur doit donc avoir de solides connaissances en biologie, en éthologie et parfaitement connaître l’espèce dont il pilote le programme EEP. « Il est un interlocuteur privilégié pour cette espèce : pour chaque EEP, il y a un comité scientifique élu – ou sur volontariat s’il n’y a pas beaucoup de candidats – composé de professionnels de parcs animaliers ou des extérieurs comme des membres d’un muséum qui a travaillé sur l’espèce, un vétérinaire qui a fait des recherches sur tel ou tel animal, etc. Le coordinateur est la porte d’entrée », détaille le directeur du Zoo de Lyon, également vétérinaire.