Situé sur la commune de Rhodes, en Moselle, le Parc animalier de Sainte Croix s’étend aujourd’hui sur 120 hectares de nature dans lesquels vivent plus de 1500 animaux sauvages issus d’une centaine d’espèces différentes. L’an dernier, plus de 350.000 visiteurs ont fréquenté ce site, qui a été l’un des premiers à développer une offre de lodges nature. Entretien avec Laurent Singer, fils du fondateur et directeur actuel avec son frère Pierre.

Comment le parc est-il né ?

Laurent Singer : « Il faut remonter aux années 1960 lorsque mes parents, Gérald et Liliane Singer, sont devenus propriétaires de la ferme du domaine de Sainte Croix. C’était un vrai challenge car mon père, qui était issu du milieu agricole, a su convaincre ma mère, citadine, de le suivre dans l’aventure.

C’était en 1967 et la ferme en question était inexploitée depuis des décennies. Le potentiel était pourtant immense puisque le domaine se trouve dans un biotope exceptionnel, avec de nombreuses zones humides. »

Gérald Singer, fondateur du Parc animalier de Sainte Croix
Gérald Singer, fondateur du Parc animalier de Sainte Croix.

« Sensible depuis tout petit à la biodiversité – il cherchait sans cesse des empreintes et autres traces du passage des animaux sauvages dans son environnement –, mon père a souhaité créer ici un centre de sensibilisation à la nature. Le projet a rapidement intéressé des passionnés, des chercheurs du CNRS mais aussi l’Etat. Cela devait donc aller bien au-delà d’une initiative privée. Et puis, dans les années 1970 sont nées les régions et ce projet très avant-gardiste n’a pas remporté leur adhésion. Finalement, mes parents se sont donc lancés seuls dans l’aventure. Et quelle aventure…

Ils ont continué à exploiter leur ferme tout en gardant l’idée de créer un jour un parc animalier. Alors, patiemment, ils ont créé des étangs, posé des clôtures autour de vastes espaces… Mon père a commencé par 35 hectares et le site actuel s’étend sur 120 hectares. »

Quels ont été les premiers pensionnaires du Parc animalier de Sainte Croix ?

Laurent Singer : « Depuis le début, c’est la sensibilisation à la faune locale qui a guidé le projet. Mes parents avaient l’impression qu’avec les zoos et les reportages animaliers, les gens connaissaient mieux les animaux exotiques comme les lions et les girafes que les animaux qui vivent près d’eux. « Comment reconnaître un daim d’un chevreuil ? » ou bien « Qu’est-ce qu’une salamandre ? » C’est pour faire connaître tous ces animaux de notre environnement qu’est né le Parc animalier de Sainte Croix. »

Cervidés du Parc animalier de Sainte Croix
Les cervidés du Parc animalier de Sainte Croix profitent de leur grande plaine / © Morgane Bricard.

« Alors au démarrage du parc en 1980, les premiers pensionnaires étaient bien évidemment des animaux que l’on trouve dans nos forêts européennes, en plus des animaux domestiques de la ferme. De magnifiques cerfs de la réserve présidentielle de Chambord sont arrivés, puis des bisons d’Europe et, en 1986, celui qui allait devenir l’emblème du parc : le loup gris.

C’est moi-même, alors que je n’étais encore qu’étudiant, qui suis allé chercher la meute – deux femelles et un mâle – au parc animalier de Gramat. Je m’en souviens encore comme l’un des moments forts de l’histoire du parc. Depuis, nous avons une relation très forte avec le loup, qui est véritablement notre animal totem. Plusieurs meutes vivent désormais à Sainte Croix et nous participons à différents programmes et partenariats avec des éthologues.»

Bisons d'Europe au Parc animalier de Sainte Croix
Bisons d'Europe / © Morgane Bricard.

« Autre moment fort : l’arrivée en 1999 de trois femelles ours bruns et la création de la Vallée des Ours en même temps que l’arrivée d’une meute de loups blancs. En 2007, nous avons également inauguré une nouvelle zone dédiée à tous ces animaux « importés » par l’homme et qui se retrouvent aujourd’hui sur nos territoires, comme par exemple le raton-laveur, introduit par les soldats américains à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, ou le porc-épic africain qui conquis des espaces comme la Sicile et la Botte italienne. L’idée tant de faire un vrai travail pédagogique autour de cette thématique.

Ce choix de présenter des animaux de la faune locale était un vrai pari. Les débuts ont d’ailleurs été difficiles car nous n’avions pas du tout le type de collection qu’avaient les autres parcs animaliers. Nous étions déjà dans une démarche pédagogique là où, à l’époque, bien moins de monde s’intéressait à l’environnement ou aux questions de bien-être animal. En revanche, nous avons tout de suite séduit le public des scolaires et, aujourd’hui encore, l’Education nationale est l’un de nos partenaires.

Plus récemment, d’autres animaux nous ont rejoints : les pandas roux en 2015 mais aussi les gloutons en 2016, l’élan en 2018. En 2019, le parc s’est agrandi avec la création d’une nouvelle zone de 8,5 hectares baptisée « Nouveau Monde », dédiée à la faune des grands espaces nord-américains. Huit espèces y vivent, dont les ours noirs, les coyotes, les bisons d’Amérique, les ratons-laveurs et les chiens de prairies. »

Chouette de l'Oural
Chouette de l'Oural / © Morgane Bricard.

Si vous deviez retenir une naissance particulièrement marquante, ce serait…

Laurent Singer : « Ce n’est pas évident de répondre. D’abord parce que nous avons eu des milliers de naissances, et puis parce que chacune d’entre elles compte. A titre personnel, j’ai toujours eu un faible pour les lynx, mais il est vrai qu’élever des chouettes de l’Oural pour les relâcher en Bavière dans le cadre d’un programme allemand ou voir des naissances de bébés bisons d’Europe réintroduits depuis en milieu sauvage, ce sont des moments extrêmement forts.

Nous participons également à des programmes de réintroduction pour d’autres espèces telles que des vautours, des écrevisses des torrents et très bientôt des tortues cistudes d’Europe, dont on espère en relâcher une centaine courant 2021 ou 2022. »

Inversement, quel a été le décès le plus éprouvant ?

Laurent Singer : « Pareillement, c’est très difficile de donner une réponse. Un parc animalier, ce sont des naissances mais aussi des décès et tous sont éprouvants. Quand on partage pendant plusieurs années le quotidien d’animaux et que nous les avons vus grandir, leur départ est à chaque fois un déchirement. »

Le Parc animalier de Sainte Croix accueille plus de 1500 animaux sauvages. Quelle espèce est la plus compliquée à gérer ?

Laurent Singer : « Sans hésitation, le grand tétras. D’ailleurs à Sainte Croix, nous avons dû refaire tout un équipement pour l’accueillir dans les meilleures conditions. Il faut savoir que c’est un animal très sensible, à son environnement sonore d’abord – il supporte mal les nuisances et a besoin de beaucoup de calme – et aussi aux parasites. Sans un protocole d’élevage très pointu, il serait très fragile. Or, c’est important de s’y intéresser. Dans les Vosges, il est au bord de l’extinction…»

Quelles espèces pas encore présentes dans votre parc aimeriez-vous accueillir ces prochaines années ?

Loups gris au Parc animalier de Sainte Croix
Le loup est devenu l'animal totem du Parc animalier de Sainte Croix / © Morgane Bricard.

Laurent Singer : « Je reconnais que certains animaux me fascinent, notamment le bœuf musqué. Notre but n’est cependant pas d’avoir toujours plus d’espèces, mais plutôt de donner à celles que nous accueillons des conditions de vie et un habitat toujours meilleurs, et de participer à des programmes de sauvegarde, y compris sur nos territoires – pour la loutre, les batraciens, etc. Nous envisageons également d’étendre le champ d’action de notre fonds de dotations « Sainte Croix Biodiversité » pour aider par exemple le monde agricole. Notre envie, c’est de nous impliquer encore plus. »

Vous célébrez les 40 ans du parc cette année 2020, qui a été particulière pour les parcs zoologiques…

Laurent Singer : « Nous avions prévu tout un programme de festivités qui auraient dû se dérouler tout au long de l’année, mais nous avons bien évidemment dû remettre cela à plus tard, crise sanitaire oblige. Nous devions notamment organiser un colloque important sur la biodiversité, en partenariat avec la région Grand Est : trois jours de travail sur des sujets fondamentaux comme l’agriculture ou les grands prédateurs. Etait également prévue une activité sur la photographie animalière, et puis, nous voulions accueillir des associations comme Les enfants de Tchernobyl. Heureusement, ce n’est que partie remise. Nous avons préféré reporter et non pas annuler. Pour le colloque par exemple, rendez-vous en mai 2021. »

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